PC ET ROBOTSA IMAGE HUMAINE

Publié le par AA

Ils nous ressemblent de plus en plus

 

 

 Amy L. Baylor, directrice du Centre de recherche sur les technologies innovantes pour l'apprentissage (Center for Research of Innovative Technologies for Learning, RITL) de l'université d'Etat de Floride, travaille à rendre l'ordinateur plus accessible.

“Jusqu'à présent, le potentiel de l'ordinateur individuel comme outil d'enseignement et d'apprentissage reste limité parce qu'il manque d'âme”, affirme Amy L. Baylor. D'où l'idée de le doter d'une personnalité propre par le biais d'un avatar.

 

 


L'équipe du RITL peut définir les différents aspects de l'avatar afin de faciliter l'apprentissage, ce qui permet de simuler différentes stratégies d'éducation selon le public que l'on veut atteindre. Le personnage peut mimer les expressions émotionnelles humaines et utilise une plus large palette d'interactions que ne saurait le faire un système d'apprentissage traditionnel, comme la communication non-verbale.

Reste à poser la question de la limite de cette humanisation de nos ordi. Dans les années 70, le roboticien Masahiro Mori avait théorisé que plus un robot ressemblait aux hommes, plus notre réponse émotionnelle à son égard était positive mais seulement jusqu'à un certain point. Au-delà d'un certain degré de ressemblance, l'appréciation cède brutalement la place à l'inquiétude, une rupture dans la courbe de “réponse émotionnelle” que Mori désigne comme la “vallée de l'étrange”.

Ce qui n'empêche pas les Japonais d'aller aujourd'hui toujours plus loin dans l'anthropomorphisme (cf les robots humanoïdes).

 

 

 Lors de l’exposition internationale de Aichi au japon en septembre 2005, quatre drôles d'hôtesses officiaient aux points d'accueil. Il fallait généralement quelques secondes pour que le public se rende compte qu'il ne s'agit pas d'êtres humains, mais de... robots androïdes.

 

 

Issus des travaux de l'équipe du professeur Hiroshi Ishiguro de l'Intelligent Robotic Laboratory - université d'Osaka) et fabriquées en collaboration avec les sociétés Kokoro et Advanced Media, les Actroïd (contraction des mots Acteurs et Droïd) sont des robots réceptionnistes dont le rôle est de répondre aux questions des visiteurs et de les aider à organiser leur visite, ceci en quatre langues : japonais, coréen, anglais et chinois.

 

 


Chaque Actroïd est installé dans une cabine "Robot Information" intégrant micro, caméras et capteurs pour détecter les présences humaines.
Equipé du moteur de reconnaissance vocale AmiVoice d'Advanced Media, l'un des plus avancés au monde, l'androïde est capable de reconnaître n'importe quelle voix humaine (et donc les intonations différentes) et ceci même dans un endroit bruyant.

 

 

De son côté, et bien qu'elle soit émise par un synthétiseur, la voix de la machine est incroyablement fluide et naturelle, rythmant parfaitement celle des humains (voix synthétisée à partir de celle d'une actrice).

 

 

Lorsque vous parlez à l'Actroïd, il va chercher ce qui est dit dans sa base de données et propose une réponse en conséquence, qui n'est souvent pas dénuée d'humour. L'Actroïd possède plus de 40 000 phrases pour s'exprimer, mais ce qui fait finalement tout son aspect humain vient aussi de la texture de sa peau (du silicone), de ses cheveux, de ses mains, des expressions de son visage qui varient en fonction de la discussion, du clignement de ses paupières, des mouvements de ses lèvres, de ses yeux, de son corps... et même de son buste qui se soulève régulièrement comme si l'androïde respirait, produisant même des micro-mouvements de ses épaules.
Pour assurer une bonne palette de mouvements, le robot dispose de 42 degrés de liberté, soit 3 pour les yeux, 1 pour les sourcils, 1 pour les paupières, 1 pour les joues, 7 pour la bouche, 3 pour le cou, 4 pour le torse, 9 (x2) pour chaque bras, 2 (x2) pour les doigts. Pour l'instant seule la partie supérieure de son corps (au-dessus de l'aine) est active.
Les mouvements, qui peuvent être très amples, paraissent incroyablement humains, adaptés au contexte et aux situations variées de la conversation. Le secret ? Les actuateurs du robot sont activés par l'envoi d'air comprimé. Ceci a non seulement l'avantage d'assurer une fluidité et une précision inégalée des mouvements, mais aussi de les produire sans bruit, si ce n'est le froissement de vêtement, comme chez les humains...

 

 

 

 

Interaction hommes/androïdes : le Japon en pointe

 

 

Robots étonnants, sans aucun doute ! Cependant, la présentation de ces prototypes d'Actroïd ne constitue nullement une première. Chaque année apporte son lot de nouvelles sophistications qui témoignent de l'implication toujours plus croissante du Japon dans l'industrie robotique

 

 

Car outre l'aspect commercial lié à la vente future de ces Actroïd à des sociétés comme robots réceptionnistes, se joue aussi ici toutes les avancées de la recherche concernant la compréhension de la communication entre l'homme et les humanoïdes. Et là, le Japon officie bien seul dans la compétition internationale.
Bien sûr d'autres pays s'intéressent aux "robots sociaux" et étudient comment augmenter la communication entre l'homme et le robot, dans laquelle réside aussi l'aspect important des expressions émotionnelles, parties intégrantes de la communication implicite, non verbale. Expressions qui nécessitent un visage car c'est lui qui permet le mieux de montrer et de comprendre les émotions. On pourrait par exemple citer Cynthia Breazeal aux Etats-Unis, chercheuse au laboratoire d'IA du MIT, avec son robot Kismet capable d'afficher de telles expressions émotionnelles. Ses travaux prouvent que ce type de robot peut impliquer des personnes dans une interaction sociale sans beaucoup ressembler à un être humain. Mais ce visage n'a finalement rien d'humain. Or plus un robot présente un aspect humanoïde, plus on s'attend à ce que son comportement soit humain, et plus on est en disposition pour interagir avec lui.
Et ceci ouvre un champ de recherche dans lequel le Japon semble régner sans partage, justement ici du fait qu'il est le seul pays à vouloir concevoir des robots complètement androïdes, avec l'appui d'une industrie en pointe dans le domaine et collaborant avec le meilleur de la recherche universitaire.

 

 

"Un jour, les robots pourront nous duper en nous faisant croire qu'ils sont humains", croire qu'ils sont humains", affirme sans hésitation le professeur Hiroshi Ishiguro, qui mène depuis plus de trois ans des recherches sur la communication avec les androïdes. Le savant est à la base des développements des prototypes d'Actroïd.

 

 

"L'apparence humaine donne au robot une grande sensation de présence"... C'est sans nul doute ce qu'à pu découvrir le public lors de la présentation du Q2 (mais sous l'appellation "Repliee Q1 expo ?) par le chercheur le 6 juin dernier a Aichi. L'Actroid jouait ici le rôle d'une journaliste interviewant un humain.

Sensible au toucher, l'androïde réagissait aux mouvements (lever par exemple le bras pour se protéger si vous faites un geste menaçant...), reconnaissant les gestes des personnes grâce à des caméras multidirectionnelles et des senseurs tactiles, ces derniers étant installés sous un tapis. Des capteurs à haute sensibilité répartis sur le front, les joues, les épaules, la partie supérieure des bras, les avant-bras et les paumes des mains produisent une valeur différente selon la vitesse d'enfoncement de la peau, permettant une variété de réponses de l'androïde selon la manière dont il est touché.

 

 

De son côté, la peau en silicone donne vraiment à l'humain l'impression de toucher un de ses congénères.
"L'androïde peut nous faire croire qu'elle est humaine pendant quelques dizaines de secondes", note Hiroshi Ishiguro, "mais si nous sélectionnons soigneusement les choses en fonction de la situation, il me semble possible d'arriver à prolonger ce genre d'effet sur plusieurs minutes". Les démonstrations montrent que les gens oublient que Repliee est un androïde. De façon consciente, on voit qu'il s'agit d'un robot, mais inconsciemment, nous réagissons comme s'il s'agissait vraiment d'une femme", constate le chercheur.

 

 

On l'aura compris : le but de ce savant est de développer des robots capables d'interagir naturellement avec l'homme. Et selon lui, seul le développement de robots d'aspect androïde peut nous permettre de comprendre l'essence de ce qui fait l'interaction entre humains, étude qui ne semble pas envisageable à partir de robots à d'aspect métallique, aussi sophistiqués soient-ils. En d'autres termes, sa recherche vise à découvrir les principes sous-jacents à la communication naturelle entre individus afin d'établir une méthodologie conduisant au développement de réels androïdes.

 

 

Comment reconnaissons-nous qu'un humain est un humain ? De telles études intégrant le développement de véritables androïdes avec la recherche sur le comportement humain, constituent un nouveau secteur de recherche dont tous les pays - à part le Japon - sont presque absents. Ceci s'explique certainement par la nécessité d'un mariage profond entre la science et technologie, technologie de pointe dans laquelle le Japon excelle. Si les sciences cognitives et les sciences sociales ont énormément apportées au développement de robots communicants, c'est maintenant la robotique qui va énormément apporter à ces dernières.

 

 

Qu'est-ce qui est le plus important chez un robot pour influencer l'interaction entre l'humain et ce robot ? Son comportement (ses mouvements) ou son apparence ? Bien sûr, les deux aspects jouent, mais comment quantifier la part de chacun ? Est-elle vraiment intimement liée ?

 

 

Comment étudier chacun de ces aspects ? C'est ici l'androïde qui peut le permettre et conduire à des tests adéquats pour évaluer les modèles d'interactions.

Existe-t-il une différence de comportement entre un enfant ou un adulte face à un robot ? L'idée d'humanité que l'on se fait d'un androïde provient-elle de son regard ? Comment générer chez un robot des mouvements paraissant vraiment naturels ?...

 

 

Voici le type de questions auxquelles s'attellent le chercheur et son équipe en cherchant à repousser toujours plus loin l'effet de la "Vallée mystérieuse" (uncanny valley) mis à jour par Masahiro Mori dans un article publié dès 1970.

 

 

Celui-ci a montré que plus un robot ou une poupée nous ressemblait, plus notre réponse émotionnelle à son encontre était positive. Mais arrivé à un certain point, quand le robot pouvait presque être considéré comme humain, une brusque chute de ce sentiment positif se produisait, lorsqu'une petite différence révélait soudain qu'il n'en était pas un, produisant alors un choc psychologique.

 

 

Ainsi donner une apparence humaine risque d'aboutir à l'effet opposé de celui poursuivi dans la mesure où le robot ne répond plus aux attentes, ce qui peut décevoir ou troubler, et rendre plus difficile la pleine utilisation de ses capacités spécifiques.

 

 

Une chose est sûre : un très long chemin reste à parcourir pour éviter cet effet de la "Vallée mystérieuse", ne serait-ce que par l'"intelligence" que le robot pourrait témoigner à notre égard. Mais chaque chose en son temps. Les recherches ici ne font que... continuer.

 

 

Publié dans Technologies

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